Sommaire
Un gouvernement prisonnier de la Terreur ?
Revenant sur le climat politique de la fin de l’an II dans ses mémoires d’autodéfense, Billaud-Varenne évoqua l’impossibilité de prêcher ouvertement la modération. « A cette époque les esprits étaient montés de manière que nul n’eût osé paraître vouloir se relâcher, dans la crainte de passer pour un protecteur ou un complice des contre-révolutionnaires. »(1)cf. Revue Historique de la Révolution Française, janvier-mars 1910, Mémoire inédit de Billaud Varenne, pp. 34-35
Quand s’engage la lutte des factions après l’hiver de l’an II, les autorités épurées des départements frappent ceux qui sont soupçonnés d’avoir pris des mesures ultra-révolutionnaires pour traquer d’éventuelles complicités hébertistes. A Paris, cette politique était appliquée avec prudence : on craignait, en frappant trop rigoureusement les patriotes exagérés de redonner de la force aux Indulgents(2)cf. AHRF 1985, Michel EUDE, Le Comité de Sûreté générale en 1793-1794 pp. 298-299.
L’affaire Legray(3)cf. Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, pp. 77 & suiv.
Au début de l’été de l’an II, une opposition sans-culotte se développe contre la majorité jacobine dans les comités civil et révolutionnaire de la section du Muséum(4)cf. Albert SOBOUL & Raymonde MONNIER, Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1985, p. 111, d’après A. SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire. 2 juin 1793 – 9 thermidor an II, Paris, 1958, pp. 991-992. Fin messidor, à l’occasion de la commémoration du 14 juillet, un membre du Comité révolutionnaire de cette section, Legray, aurait proféré en présence de Saint-Omer, commissaire civil, des propos hostiles au Comité de salut public (Barère et Saint-Just sont cités nommément), et regretté l’arrestation d’Hérault-Séchelles, Pache et Santerre voire Danton(5) Il n’est cité que par l’un des deux dénonciateurs de Legray, Richard, employé à la Commission de l’habillement et membre du Comité de bienfaisance de la section. Il dénonce les pratiques du Tribunal révolutionnaire, dont les agents « étaient guillotinés à la 5e ou 6e opération afin de les mettres hors d’état de trahir les secrets qui leur étaient confiés » (le juré Lumière lui en aurait fait la confidence) et doute de la véracité des conspirations des prisons(6)cf. Albert MATHIEZ,Girondins et Montagnards, Paris, Firmin-Didot et Cie, 1930, pp. 189-192.
Incarcérés à la Conciergerie le 2 thermidor après avoir été dénoncés à Fleuriot-Lescot par leurs deux interlocuteurs, Legray et Saint-Omer semblaient approuvés par une majorité du comité révolutionnaire(7)lequel demanda le 7 thermidor à Fouquier-Tinville de se prononcer sur leur sort au plus vite. Cf. Pierre CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, AHRF 1947, p. 325, d’après A. N., W 74 de la section (laquelle demanda leur libération dès le 10 thermidor(8)cf. P. CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, AHRF 1947, p. 323, note 3). Un autre membre du comité révolutionnaire, Servierre, avait tenu à la mi-messidor des propos comparables, promettant de venger la mort de Danton au besoin par une insurrection au cas où l’on voudrait s’en prendre à nouveau à des députés, et comptant sur Fréron ainsi que sur des complicités au Comité de sûreté générale. Selon son dénonciateur, Servierre serait en contact avec des habituées des tribunes des Jacobins(9)cf. AHRF 1947, P. CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, pp. 323-324.
Anticipation de l’arrestation de Robespierre ?
D’après Albert Mathiez, des crieurs de journaux auraient annoncé dans les rues de Paris le 4 thermidor l’arrestation de Robespierre. Toutefois, la seule source que l’on retrouve sur ce fait est un passage raturé du discours de Robespierre du 8 thermidor : « On arrêta peu de jours auparavant [les réunions plénières des deux comités de gouvernement des 4/5 thermidor] des colporteurs de journaux qui criaient, à perte d’haleine : ‘Grande arrestation de Robespierre’ »(10)f. A. MATHIEZ, Girondins et Montagnards, ch. VI, p. 155 ; P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution (…), tome XXXIII, p. 431 (note 1), ce qui ferait par conséquent remonter cet événement à une date légèrement antérieure.
Rumeurs de purges à venir
Marc-Claude Naulin, vice-président du Tribunal révolutionnaire, aurait appelé le 13 messidor aux Jacobins à purger la Convention(11)cf. Arne ORDING, Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, J. Dybwad, 1930, pp. 134-135. Jagot aurait dit que la motion de Naulin était la prolongation des insinuations de Robespierre(12)cf. Moniteur n°190, an III.. Naulin a été arrêté dès le lendemain, suivi bientôt de Vilate, juré au Tribunal révolutionnaire, soupçonné d’être son complice(13)cf. Arne ORDING, Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, J. Dybwad, 1930, pp. 134, 138.
« Robespierre Roi » et rumeurs connexes
Robespierre-roi avant Thermidor :
Dans une lettre adressée au comte de Mercy-Argenteau (ex-ambassadeur autrichien en France) du 14 avril 1794, l’adjudant général Frossard, un officier suisse, livre l’appréciation suivante de la politique française : Robespierre détient par la Terreur un pouvoir considérable, sans équivalent dans l’histoire, mais il ne pourra pas pour autant prolonger indéfiniment cette situation. Il sera certainement lui-même guillotiné à moins qu’il ne se serve de sa présente assise pour restaurer Louis XVII. Frossard en veut pour preuve ses initiatives contre la déchristianisation, la suppression des ministères et de l’armée révolutionnaire, et affirme qu’il pourra compter dans cette opération sur le soutien de l’armée(14)cf. A. RUFER, Robespierre vu par un officier suisse, AHRF 1935, pp. 53-54. L’historien Grandsaignes a relevé des similitudes entre cette lettre et l’« Etat de la France en 1794 » de Montgaillard publié à Londres. Frossard serait par ailleurs une personnalité trouble, décrit en février 1794 par d’Antraigues comme rétribué par Bouchotte(15)cf. Lettre d’Antraigues à Las Casas, Madrid, Estado 4997, et le 26 juillet (8 thermidor) par la reine consort de Naples Marie-Caroline d’Autriche comme au courant de « tous les bruits de l’armée, ayant la correspondance en main », et que l’un de ses frères « a été un des plus enragés et impies de Lyon »(16)cf. R. de GRANDSAIGNES, Robespierre vu par un officier autrichien, AHRF 1965, pp. 368-369.
Un rapport du Bureau de police générale mentionne une lettre datée du 20 messidor an II, où un dénommé Cans déclare qu’à Dijon, une faction d’alarmistes fait notamment courir le bruit que Robespierre doit épouser Madame Royale, la fille de Louis XVI(17)cf. A. MATHIEZ, Le bruit du mariage de Robespierre avec Madame Royale (N&G), AHRF 1927, p. 505, d’après A. N., F7 3822.
Un bulletin du comte d’Antraigues affirme que durant la nuit du 23 au 24 mai 1794, Robespierre aurait transféré le jeune Louis XVII de la Prison du Temple à Meudon. Il est précisé que « le fait est certain, quoiqu’il ne soit connu que du Comité de Salut public. »(18)cf. A. MATHIEZ, L’Histoire secrète du Comité de Salut public, Revue des Questions Historiques t. LI, 1914, pp. 44, 46. Les bulletins de début août 1794 font état qu’avec le concours de l’Autriche, Robespierre cherchait à restaurer Louis XVII en se réservant la direction de son conseil(19)cf. A. RUFER, En complément des Dropmore Papers, AHRF 1958 (n°4), p. 26.
Premiers signes de la rumeur le 9 thermidor à la Convention
Les projets royalistes des robespierristes ne sont évoquées que par allusions. Fréron tout d’abord, attaque Couthon sur sa désignation le 6 thermidor aux Jacobins de cinq ou six têtes de Conventionnels, qualifiée de « passe temps royal », qui seraient « autant de degrés pour monter au trône ». Barère ensuite souligne la collusion des conspirateurs avec l’aristocratie et l’étranger en évoquant, comme Saint-Just s’apprêtait à le faire, les révélations de l’ennemi fait prisonnier en Belgique, certain que l’avènement prochain d’un gouvernement nouveau qui accepterait la négociation(20)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, p. 19.
Quelques jours plus tard, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois y reviendront aux Jacobins, mentionnant le rapport d’un déserteur révélant que « les puissances étrangères étaient liguées avec Robespierre et ne voulaient traiter qu’avec lui »(21)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, p. 27.
Même s’il n’est encore nullement question de Robespierre avant la conclusion de l’événement, on ne peut que souligner les similitudes de ces révélations avec celles de Frossard (traité dans « Robespierre-Roi avant Thermidor »).
Dans la nuit du 9 au 10 thermidor
Bronislaw Baczko fixe plutôt le véritable départ de la rumeur aux proclamations dans les rues de la mise hors la loi des robespierristes et de la Commune rebelle par des huissiers de la Convention et par une partie des douze représentants chargés d’assister Barras sur le terrain. Ce fut probablement le cas de Léonard Bourdon dans sa section des Gravilliers, et d’autres autour des sections hésitantes du faubourg Saint-Antoine, dont Barère rapportera le 10 thermidor qu’ils révélèrent la découverte chez Robespierre d’un cachet à fleur de lys.
Des rumeurs comparables coururent durant la nuit, sur au moins une quinzaine de sections (ou leurs bataillons), du centre de la capitale ainsi que celles des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel, grâce aux émissaires envoyés dans les sections voisines. La section des Lombards, immédiatement acquise à la Convention, informa celle de l’Indivisibilité de l’arrestation de cinq individus chargés de libérer de la prison du Temple et de proclamer « le fils de Capet »(22)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, pp. 21-22.
L’historien Colin Jones n’en perçoit toutefois qu’un faible écho dans son étude (en cours) sur les sections parisiennes pendant cette nuit(23)cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 708-709 (note 82).
Avec d’innombrables variantes, la légende de « Robespierre Roi » circule à travers différentes sections sous différentes formes :
* on a trouvé chez Robespierre (et/ou à la Commune, chez les administrateurs de la police) un cachet à fleur de lys ;
* deux individus ont essayé de libérer du Temple le « jeune Capet » ;
* cinq « scélérats » étaient déjà chargés de proclamer roi Louis XVII ;
* Robespierre veut épouser la fille de Capet et le contrat de ce mariage est déjà signé(24)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur p. 22.
Du côté des insurgés, Augustin Robespierre puis le Conseil Général de la Commune expliquèrent eux aussi au cours de la soirée les tentatives de la faction ennemie pour libérer les enfants du roi(25)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 22-23.
Derniers développements de la rumeur
Au petit matin du 10 thermidor, la légende Robespierre-roi revient à la Convention preuve à l’appui, puisque des adjoints de Barras venus annoncer la prise de la Commune mentionnent qu’on y a découvert un cachet fleurdelysé. L’identité de de ceux qui ont fait cette trouvaille est floue, mais implique des citoyens ou magistrats de la section des Gravilliers(26)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 23-24 ; Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 336.
Les visées royalistes des vaincus sont clairement formulées à la Convention par Thuriot qui demandera également que l’échafaud soit ramené place de la Révolution. Robespierre subit par ailleurs, avant et pendant son examen par des médecins, de nombreux sarcasmes liés à cette révélation. L’exécution est l’occasion d’une nouvelle rumeur connexe : ordre aurait été donné que les corps des suppliciés rejoignent la fosse où fut amené le couple royal(27)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 24-26. Barras assurera même dans ses Mémoires avoir été à l’origine de l’initiative(28)cf. Paul de BARRAS, Mémoires vol. I, Paris, Hachette, 1895, pp. 199-200.
Les anciens collègues de gouvernement de l’Incorruptible retiennent essentiellement de la rumeur l’aspect contre révolutionnaire. Le Rapport de Barère sur les événements reprend le cachet fleurdelysé et les manœuvres autour du Temple dont la surveillance est renforcée. Mais les projets de rétablissement de la royauté ne sont pas évoqués, et ça n’est pas le 21 janvier 1793 qui est comme point de comparaison avec le 9 Thermidor : « Le 31 mai, le peuple fit sa révolution ; le 9 thermidor la Convention a fait la sienne ; la liberté a applaudi également à toutes les deux. »
De la même façon, le 11 thermidor à la séance des Jacobins, Billaud-Varenne choisit de se référer à la fin de la république romaine pour définir les projets politiques de la faction renversée : « Antoine Couthon régnait dans le Midi, Lépide Saint-Just au Nord, et Catilina Robespierre au Centre. »(29)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 26-27
Billaud fait par ailleurs état d’une lettre de Benjamin Vaughan(30)parlementaire anglais menacé par Pitt ayant clandestinement traversé la Manche et débarqué à Cherbourg début prairial, finalement libéré par le Comité de Salut Public le mois suivant après rapport du Bureau de Police Générale et autorisé à rejoindre Genève adressée à Robespierre, expédiée de Genève le 26 messidor et parvenue au Tuileries le 9 thermidor, qui prouveraient ses intentions de se partager le pays avec Saint-Just et Couthon, et ses liens secrets avec la Grande Bretagne(31)cf. Arne ORDING Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, pp. 93-96. La lettre, qui n’a pas été retrouvée aux Archives Nationales et n’est connue que par la retranscription qu’en donne Barère dans ses Mémoires(32)cf. A. MATHIEZ, Robespierre et Benjamin Vaughan, Annales révolutionnaires 1917, pp. 4-6, d’après les Mémoires de B. Barère, Paris, Labitte, 1843, t. II, pp. 227-230, suggère notamment d’organiser les régions conquises en républiques autonomes, sans exclure du droit de vote la classe la plus privilégiée, ce qui équivaut pour Billaud comme preuve d’intention « contre-révolutionnaire« (33)cf. A. MATHIEZ, Robespierre et Benjamin Vaughan, Annales révolutionnaires 1917, pp. 8-9.
Le 13 thermidor, des élèves de l’Ecole de Mars y font allusion dans un compte-rendu qu’ils dressent des événements : « on avait envie de nous égorger non seullement nous mais la Convention nationalle puisque le lendemain onze thermidor nous devions avoir un roy »(34)cf. Jean PALOU, Documents inédits sur le 9 thermidor, AHRF 1958 t.30 p. 47, d’après les Archives de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (Série 21, Carton : Famille – Moniteur).
L’un des derniers développements de la légende porte sur les lieux de plaisance et de débauche que se seraient créés les conjurés à proximité de Paris. D’abord mentionnée par Barras à la Convention, l’idée se développe dans la presse(35)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 30-31. Mais cette rumeur connaitra des développements indépendamment des robespierristes suppliciés. Ex-juré au Tribunal révolutionnaire emprisonné depuis le 3 thermidor, Vilate dépeindra dans l’un de ses mémoires d’autodéfense Barère, ainsi que Vadier et Voulland comme les habitués d’un hôtel particulier à Clichy. Apparemment découvert par l’agent du Comité de sûreté générale Longueville-Clémentières, il y subsistait des insignes aristocratiques et on y voyait, outre les conventionnels, des femmes ayant l’apparence de courtisanes(36)cf. Joachim VILATE, Les mystères de la Mère de Dieu dévoilés, Paris, an III, pp. 8-10.
Révélateur du tassement de la légende, Courtois en reprend dans son rapport du 8 thermidor an III de nombreux aspects : lieux de plaisance, cachet à fleur de lys, projets d’enlèvement des enfants du roi. Mais les visées proprement royalistes laissent place à une manœuvre de Robespierre pour impliquer la Convention vaincue afin d’achever de la discréditer aux yeux de l’opinion(37)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 31-33, d’après Edme-Bonaventure COURTOIS, Rapport (…) sur les événements du 9 thermidor…, Paris, de l’Imprimerie nationale, floréal an IV, pp. 24-27.
Quand il connaîtra l’exil ou la détention, Vadier aura l’occasion de reconnaître à plusieurs reprises auprès de Baudot, Cambon ou Buonarrotti que c’était le pouvoir en place qui avait eu l’idée de faire « découvrir » un cachet fleurdelysé à l’Hôtel de Ville(38)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur p. 35 (+note), d’après P.-J.-B. BUCHEZ et P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution française, Paris, 1837, t. XXXIV, p. 59 ; Marc-Antoire BAUDOT, Notes historiques sur la Convention nationale, l’Empire et l’exil des votants, Paris, impr. Jouaust, 1893, p. 74 ; notes de Buonarroti, publiées par A. MATHIEZ, Annales révolutionnaires, 1910, p. 508 : Dans ce dernier témoignage, Vadier attribue l’initiative à Barère.
Pour B. Baczko, la légende toute entière de Robespierre-roi est une invention des comités de Salut public et de Sûreté générale, destinée à convaincre le peuple des sections pendant l’épreuve de force entre les robespierristes et la Convention(39)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 34-37, reprenant en tous points l’argumentation formulée par Barras dans ses Mémoires : « Le peuple ne pouvait pas se persuader que Robespierre fût un tyran, autrement qu’en l’associant aux idées de l’ancienne royauté, la seule qui, à ses yeux, présentât un corpus de délit saisissable. »(40)cf. P. de BARRAS, Mémoires vol. I, Paris, Hachette, 1895, pp. 200-201, Paris, 1895. Elle aurait donc été fabriquée pour compléter le slogan « A bas le tyran », efficace pour souder les parlementaires mais insuffisant à expliquer à l’opinion publique pourquoi il faut soudainement rejeter celui qui paraissait décrit par tous, Convention incluse, comme l’incarnation des vertus républicaines(41)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 54-55.
La fable Robespierre-roi répond en tout points aux arguments de la propagande de Terreur : la collusion avec l’étranger fut l’un des critères d’accusation de Danton ; il lui fut également reproché ainsi qu’à Hébert d’avoir projeté de devenir régent(42)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 44-46. Cette théorie de Baczko, qui doute du caractère improvisé de la création de la fable sous entendu par Vadier (lequel aurait justifié cette invention par l’urgence du moment : « Le danger de perdre la tête donne de l’imagination…(43)cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 39 & suiv. ») , doit être complétée par le fait que des bruits sur les visées royalistes de Robespierre se sont répandus quelques semaines avant Thermidor.
Réferences
↑1 | cf. Revue Historique de la Révolution Française, janvier-mars 1910, Mémoire inédit de Billaud Varenne, pp. 34-35 |
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↑2 | cf. AHRF 1985, Michel EUDE, Le Comité de Sûreté générale en 1793-1794 pp. 298-299 |
↑3 | cf. Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, pp. 77 & suiv. |
↑4 | cf. Albert SOBOUL & Raymonde MONNIER, Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1985, p. 111, d’après A. SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire. 2 juin 1793 – 9 thermidor an II, Paris, 1958, pp. 991-992 |
↑5 | Il n’est cité que par l’un des deux dénonciateurs de Legray, Richard, employé à la Commission de l’habillement et membre du Comité de bienfaisance de la section |
↑6 | cf. Albert MATHIEZ,Girondins et Montagnards, Paris, Firmin-Didot et Cie, 1930, pp. 189-192 |
↑7 | lequel demanda le 7 thermidor à Fouquier-Tinville de se prononcer sur leur sort au plus vite. Cf. Pierre CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, AHRF 1947, p. 325, d’après A. N., W 74 |
↑8 | cf. P. CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, AHRF 1947, p. 323, note 3 |
↑9 | cf. AHRF 1947, P. CARON, L’opposition de gauche à la veille du 9 thermidor, pp. 323-324 |
↑10 | f. A. MATHIEZ, Girondins et Montagnards, ch. VI, p. 155 ; P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution (…), tome XXXIII, p. 431 (note 1) |
↑11 | cf. Arne ORDING, Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, J. Dybwad, 1930, pp. 134-135 |
↑12 | cf. Moniteur n°190, an III. |
↑13 | cf. Arne ORDING, Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, J. Dybwad, 1930, pp. 134, 138 |
↑14 | cf. A. RUFER, Robespierre vu par un officier suisse, AHRF 1935, pp. 53-54 |
↑15 | cf. Lettre d’Antraigues à Las Casas, Madrid, Estado 4997 |
↑16 | cf. R. de GRANDSAIGNES, Robespierre vu par un officier autrichien, AHRF 1965, pp. 368-369 |
↑17 | cf. A. MATHIEZ, Le bruit du mariage de Robespierre avec Madame Royale (N&G), AHRF 1927, p. 505, d’après A. N., F7 3822 |
↑18 | cf. A. MATHIEZ, L’Histoire secrète du Comité de Salut public, Revue des Questions Historiques t. LI, 1914, pp. 44, 46 |
↑19 | cf. A. RUFER, En complément des Dropmore Papers, AHRF 1958 (n°4), p. 26 |
↑20 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, p. 19 |
↑21 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, p. 27 |
↑22 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur, Gallimard, 1989, pp. 21-22 |
↑23 | cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 708-709 (note 82) |
↑24 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur p. 22 |
↑25 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 22-23 |
↑26 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 23-24 ; Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 336 |
↑27 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 24-26 |
↑28 | cf. Paul de BARRAS, Mémoires vol. I, Paris, Hachette, 1895, pp. 199-200 |
↑29 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 26-27 |
↑30 | parlementaire anglais menacé par Pitt ayant clandestinement traversé la Manche et débarqué à Cherbourg début prairial, finalement libéré par le Comité de Salut Public le mois suivant après rapport du Bureau de Police Générale et autorisé à rejoindre Genève |
↑31 | cf. Arne ORDING Le Bureau de police du Comité de salut public : étude sur la Terreur, Oslo, pp. 93-96 |
↑32 | cf. A. MATHIEZ, Robespierre et Benjamin Vaughan, Annales révolutionnaires 1917, pp. 4-6, d’après les Mémoires de B. Barère, Paris, Labitte, 1843, t. II, pp. 227-230 |
↑33 | cf. A. MATHIEZ, Robespierre et Benjamin Vaughan, Annales révolutionnaires 1917, pp. 8-9 |
↑34 | cf. Jean PALOU, Documents inédits sur le 9 thermidor, AHRF 1958 t.30 p. 47, d’après les Archives de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (Série 21, Carton : Famille – Moniteur) |
↑35 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 30-31 |
↑36 | cf. Joachim VILATE, Les mystères de la Mère de Dieu dévoilés, Paris, an III, pp. 8-10 |
↑37 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 31-33, d’après Edme-Bonaventure COURTOIS, Rapport (…) sur les événements du 9 thermidor…, Paris, de l’Imprimerie nationale, floréal an IV, pp. 24-27 |
↑38 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur p. 35 (+note), d’après P.-J.-B. BUCHEZ et P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution française, Paris, 1837, t. XXXIV, p. 59 ; Marc-Antoire BAUDOT, Notes historiques sur la Convention nationale, l’Empire et l’exil des votants, Paris, impr. Jouaust, 1893, p. 74 ; notes de Buonarroti, publiées par A. MATHIEZ, Annales révolutionnaires, 1910, p. 508 : Dans ce dernier témoignage, Vadier attribue l’initiative à Barère |
↑39 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 34-37 |
↑40 | cf. P. de BARRAS, Mémoires vol. I, Paris, Hachette, 1895, pp. 200-201, Paris, 1895 |
↑41 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 54-55 |
↑42 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 44-46 |
↑43 | cf. B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 39 & suiv. |