SECTIONS PARISIENNES

Sommaire

Les 48 sections de Paris

Plan des 48 sections parisiennes de 1790 à 1794

Les 48 sections de Paris

Formation des sections parisiennes

L’organisation municipale de Paris fut instituée par le décret du 21 mai/27 juin 1790. Il succède au règlement royal du 13 avril 1789 qui  avait divisé la capitale, autrefois composée de 21 quartiers en 60 districts(1)cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, Société d’histoire de la Révolution Française, 1898, pp. 7-9.

Quarante-huit sections remplacent désormais les 60 districts. Elles ne devaient être considérées que comme des parties de la Commune de Paris, et ont été constituées de manière à être homogènes en nombre de citoyens actifs (art. 6)(2)cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, 1898, p. 10.

Composition et attributions des instances de pouvoir

Chaque section est composée d’un comité civil, d’un comité révolutionnaire et d’une force armée. Les assemblées générales des sections parisiennes se tiennent fréquemment dans des églises. Comités civils et révolutionnaires siègent dans un même bâtiment(3)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte.

Assemblée générale

Les citoyens de la section se réunissent en assemblée générale. A l’origine strictement électorale, cette assemblée devient le lieu de délibérations politiques(4)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte. Si elle ne peut discuter les actes de la municipalité, mais accueille des réunions pacifiques de citoyens, et peut envoyer des délégations (25 hommes au maximum) pour porter des adresses aux autorités de toute sorte (art. 20)(5)cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, 1898, p. 12. Tenue par quelques personnalités (une centaine sur les milliers d’habitants dans chaque section), elle contribue pour une grande part à la formation de l’opinion publique. Elles votent pour la désignation des  membres de l’administration départementale et des députés de l’assemblée nationale (art. 8)(6)cf. E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 10. En temps ordinaire, les assemblées commençaient à 17 ou 18 h. Les membres présents, quel qu’en fut le nombre procèdent aussitôt à l’ordre du jour. Elles se terminent généralement avant 23 h.(7)cf. E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 107 Allant jusqu’à siéger en permanence en période de troubles, le nombre de leurs séances fut ramené à 2 par semaine le 9 septembre 1793. Il sera encore restreint à une par décade après le 9 thermidor(8)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte. Elles auraient été composées en majeure partie de la force armée de la section(9)cf. Arnaud-Louis-Raoul de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, Plon, 1879, p. 131.

Comités civils et révolutionnaires

Le comité de section ou comité civil, composé de 16 membres élus par l’assemblée générale sert d’intermédiaire entre cette dernière et la municipalité. Il s’occupe de la gestion des tâches quotidiennes (déclarations de décès, police, entretien, répartition de l’impôt, attribution des cartes de rationnement). Un commissaire de police et un juge de paix lui furent rapidement adjoint(10)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte ; E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 159.

Créés au printemps 1793, les comités de surveillance ou comités révolutionnaires exercent la surveillance politique : limités tout d’abord aux seuls étrangers, leurs attributions s’étendent à la délivrance de la carte de sûreté, et à une influence dans la délivrance des certificats de civisme. Leur rôle fut déterminant contre les modérés, puis dans l’application de la loi des suspects à partir de septembre 1793. Composé à l’origine de 12 membres, il est en correspondance avec le Comité de sûreté générale depuis la loi du 14 frimaire an II(11)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, p. 112, carte hors-texte. Un mois après la chute de Robespierre, le 7 fructidor an II, Goupilleau de Fontenay fait adopter un décret supprimant à Paris les quarante-huit Comités révolutionnaires de section pour les remplacer par douze Comités d’arrondissement(12)cf. Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 352 (+ note 1).

D’après l’échantillon de 4.000 militants réuni dans le Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II, le personnel des comités civils comme révolutionnaire aurait été dominé par les professions d’artisans et de boutiquiers, à environ 56% pour les premiers et 65% pour les seconds. Près des 2/3 des 877 commissaires révolutionnaires connus en l’an II seront arrêtés l’année suivante(13)cf. Raymonde MONNIER, De l’an III en l’an IX, les derniers Sans-culottes, AHRF 1984, pp. 387-388, d’après Albert SOBOUL & Raymonde MONNIER, Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1985.

Sur le plan judiciaire, les sections parisiennes étaient regroupées en arrondissements de taille variable (incluant des cantons de banlieue), et constituaient 6 tribunaux pour toute la capitale(14)cf. Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, Paris, Plon, 1946, p. 319 (note 1).

L’insurrection du 9 thermidor dans les sections parisiennes

Situation générale

Les sections voisines des Tuileries et de l’Hôtel de Ville entendent à partir de 15 h. la batterie du rappel (provenant notamment des Droits de l’Homme), occasionnant le rassemblement de nombreux citoyens devant le chef-lieu de leur section. Un ordre de mobilisation générale serait également parvenu vers 15 h. à la section des Gravilliers(15)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 214, 266, 268 ; A.-L.-R. de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, pp. 158-160, 171-172, d’après A. N., F7 4432. L’expédition d’Hanriot, qui aurait propagé le son de la batterie sur son sillage, crée par la suite de l’inquiétude parmi les directeurs de théâtre de boulevard et les boutiquiers du Palais-Egalité (Palais-Royal)(16)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 266-267, d’après le rapport de Gigre, capitaine des canonniers (AFII 47 pl. 364 47).

Assailies dès le milieu de l’après-midi d’ordres contradictoires pouvant émaner du maire, du Conseil général, de l’état-major d’Hanriot, de la Convention ou des comités de Salut public et de Sûreté générale, beaucoup des 48 sections parisiennes sont d’abord plongées dans l’incompréhension, avant de parvenir à discerner le conflit d’autorité entre la Commune et la Convention(17)cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, pp. 702-703 (note 57), d’après A. N., AFII 47 367 42 (rapport de Lasne, commandant en chef de la section des Droits de l’Homme), F7 4774 11 (rapport de Lefebvre, section de l’Observatoire), F7 4585 (dossier Ballin).

Vers 19 h., les crieurs de journaux proclament dans les rues de Paris les décrets d’arrestations pris lors de la première séance de la Convention à l’encontre d’Hanriot, de Robespierre et de quatre députés(18)Sainte-Claire Deville cite notamment le Messager du Soir, postdaté du 10 thermidor. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 267 (+ note 4).

Selon Albert Mathiez, « les papiers des sections relatent la lutte longtemps indécise qui s’engagea, dans chacune d’elles, entre les partisans de la Commune et ceux de la Convention, entre minuit et deux heures du matin »(19)cf. A. MATHIEZ, Robespierre à la Commune le 9 Thermidor, in « Autour de Robespierre », Payot, 1957, pp. 222-223 (note).

Appel de la Commune auprès des sections

Vers 18 h., le Conseil général de la Commune cherche à se mettre en correspondance avec les assemblées générales de sections, dont il a sollicité la tenue exceptionnelle (puisque depuis le 14 frimaire, elles ne sont censées se tenir que chaque quintidis et décadis), et appelle les autorités constituées des sections, comités civils et révolutionnaires, commandants de la force armée des sections, à rejoindre et s’unir à la Commune(20)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 225 (+ note 4)-227.

Les sections reçoivent dans leur ensemble la convocation du Conseil général entre 19h30 et 21 h. D’après un total réalisé par Sainte-Claire Deville, on dénombre parmi les autorités constituées qui s’y rendent :

  • 12 comités révolutionnaires (CR) sur 48
  • 16 comités civils (CC) sur 48
  • 9 commandants (en chef ou en second) de compagnies de sections sur 96(21) Total réalisé par Sainte-Claire Deville, duquel il exclut étrangement deux signatures de membres du comité civil de la section de Popincourt et une de celui des Droits-de-l’Homme. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 227 (note 2)

Pour se gagner leur fidélité, Fleuriot-Lescot enjoint les dignitaires de sections, civils et militaires, à s’engager par une prestation de serment et la signature d’une liste de présence. Beaucoup parmi les signataires témoigneront que leur engagement a été obtenu par la surprise et sans conscience véritable de ce qui était en jeu. L’explication sera souvent acceptée par le Tribunal Révolutionnaire, qui les acquitteront massivement dès fructidor an II(22)Soboul reprocha à Sainte-Claire Deville une trop grande crédulité dans son interprétation de ces témoignages. Cf. A. SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire. 2 juin 1793 – 9 thermidor an II, Paris, 1958, p. 1013 ; C. JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 702 (+ note 54), d’après A. N., AFII 47, F7 4774 87 (dossier Rausse), F7 4754 (dossier Guilbert), W 80 (jugements du Tribunal révolutionnaire).

Le Conseil général de la Commune a dressé des sections en question la liste suivante(23)Elle dressa également une liste nominative du personnel de section ayant prêté serment. Cf. « Liste de présence des diverses autorités constituées qui ont prêté serment », in P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution, t. XXXIV, pp. 44-45 :

Les sections de la Maison-Commune, du Finistère et de l’Observatoire furent parmi les premières à prêter serment, autour de 19 h.,  au Conseil général(24)cf. « Séance extraordinaire du 9 thermidor — Procès-verbal de la séance », in P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution, t. XXXIV, pp. 49-50.

Sainte-Claire Deville dénombre douze sections représentées par ses comités à la Commune appartenant aux 1ère et 6e légions (neuf pour la 1ère et trois pour la 6e), ainsi que quelques autres qui auraient jugé que la sûreté de la représentation nationale se trouvait sous la responsabilité du maire et de l’agent national(25)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 269 (+ note 3).

Raymonde Monnier dénombre de son côté 10 comités révolutionnaires de sections qui se prononcèrent pour la Commune, et 12 qui demeurèrent indécis(26)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 1989, p. 66.

Démarches de la Convention, des comités de Salut public et de Sûreté générale auprès des sections

Une Proclamation de la Convention nationale au peuple Français présentée par Barère théoriquement adoptée vers 13 h. est imprimée pour être envoyée dans les sections parisiennes. Plusieurs historiens décrivent pourtant une réception tardive, entre 22 et 23 h.(27) Dans son étude sur l’événement, l’ex-préfet Martel juge que la lecture de la Proclamation a été avancée dans le procès-verbal. La voyant comme consécutive à la prise d’armes d’Hanriot, elle ne put survenir que nettement après son décret d’arrestation, et non pas à sa suite immédiate. Cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, pp. 327, 334; A.-L.-R. de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, p. 169 (note 1); P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 199, 276-277.

Plusieurs Comités révolutionnaires se rangèrent aussitôt du côté de la Convention. Leur correspondance précoce avec les comités de Salut public et de Sûreté générale constitue probablement la source des renseignements contenu par le premier rapport de Barère sur les événements survenus après l’arrestation de Robespierre :

  • le comité des Tuileries
  • le comité du Museum
  • le comité des Lombards
  • le comité de Maison-Commune
  • le comité de la Montagne
  • le comité de la section Révolutionnaire(28)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 254 (note 3, d’après A. N., AFII 47 et F7 4432, F7 4433)

De leur correspondance précoce avec les comités de Salut public et de Sûreté générale provient une grande partie des détails fournis par le premier rapport de Barère — l’ensemble des arrêtés pris par la Commune) — sur les événements en cours(29)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 254 (note 3), 269, d’après A. N., AFII 47 et F7 4432, F7 4433.

Vraisemblablement à la réouverture de séance de la Convention, vers 19 h., les comités de Salut public et de Sûreté générale s’adressent aux comités révolutionnaires des sections parisiennes, les enjoignant à « demeurer à leur poste et (… ) rendre compte d’heure en heure des événements qui peuvent survenir ». L’ensemble des sections le reçoit entre 20 h. et 21 h.(30)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 248, d’après de récit de Longueville-Clémentière (A. N., W 79)

Avant même d’avoir reçu cet arrêté, les comités révolutionnaires ou civils des sections des Gardes-Françaises, des Marchés, de Bonne-Nouvelle et des Lombards auraient refusé de se rendre à la Commune, affirmant n’obéir qu’aux comités de Salut public et de Sûreté générale (faisant allusion au décret du 14 frimaire an II)(31)Sainte-Claire Deville a manifestement confondu la section de Bonne Nouvelle avec celle du Bon-Conseil. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 268-269 (note 1), d’après les rapports des comités révolutionnaires et civils des sections des Gardes-Françaises, des Marchés, de Bonne-Nouvelle et des Lombards (A. N., AFII 47 367 14, 366 50, 364 42 et 364 45).

Prévenus par leurs commandants respectifs de la défense formelle d’obéir aux ordres de la Commune, les comités des sections dont les forces armées appartenaient aux légions 2 à 5 n’ont globalement pas répondu à l’appel à se présenter à l’Hôtel de Ville(32)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 269 (+ note 2), d’après A. N., AFII 47.

19 comités révolutionnaires prirent nettement le parti de la Convention(33)cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 1989, p. 66.

Tenue des assemblées générales de section

Dans neuf sections, le Comité civil n’autorise pas l’ouverture des assemblées générales demandée par la Commune(34)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 225 (+ note 4), 273-274 (+ note 1) :

D’après l’historien George Rudé, 35 assemblées générales, sur les 39 qui siégèrent en permanence, se rangèrent d’emblée derrière la Convention(35)cf. G. RUDÉ, La foule pendant la Révolution française, Paris, Maspero, 1982 p. 161. Sainte Claire Deville distingue plus précisément :

— Deux sections où les assemblées générales furent ouvertes précocement, pour se prononcer aussitôt en faveur de la Convention sans communiquer avec les sections voisines(36)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 278 (note 3) :

— Dix sections où les assemblées générales ne sont ouvertes que tardivement, pour aussitôt se prononcer en faveur de la Convention(37)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 274 (+ note 2) :

De 23 h. à 3 h. du matin environ, 33 assemblées générales de sections sur les 39 qui siégèrent, se communiquent entre elles leurs adresses de fidélité à la Convention(38)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 278 (note 3).

Celles des Sans-Culottes et du Finistère hésitèrent, et seules celles du faubourg Saint-Marcel (les sections de l’Observatoire et de Chalier) se rangèrent nettement derrière Robespierre, avant de se raviser tard dans la nuit(39)cf. G. RUDÉ, La foule pendant la Révolution française, p. 161.

Sainte-Claire Deville avance qu’ayant déserté depuis longtemps les assemblées générales, les modérés, rassemblés en nombre au son de la batterie du rappel, s’y rendirent à nouveau et submergèrent les « patriotes »(40)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 272-273 ( note 1). Reçue puis diffusée par les comités civils et les président d’assemblée générale, la nouvelle des mises hors la loi contre les députés et la municipalité et la Proclamation de la Convention nationale au peuple Français de Barère prévenant contre « l’ascendant de quelques réputations », expliqueraient également cette fidélité à la Convention(41)cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, Paris, Plon, 1861, p. 327 ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 276-277.

La presque totalité des procès-verbaux des assemblées de sections mentionnent l’intervention, entre 20 h. et 23 h., d’un des membres du Conseil général de la Commune (officier municipal ou notable) pour les encourager à prendre leur parti(42)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 275.

D’après Mathiez, la nouvelle de la mise hors la loi de la Commune arrive vers 23 h. à la section de Mutius Scœvola (Luxembourg), vers minuit à la section de Bondy, au Bonnet-Rouge et au Pont-Neuf et… à minuit et demi à la section des Tuileries(43)cf. A. MATHIEZ, Robespierre à la Commune le 9 Thermidor, in « Autour de Robespierre », Payot, 1957, p. 219 (note 2).

Mobilisation des sections parisiennes contre la Commune

L’historien Colin Jones soutient que la mobilisation des sections de Paris contre le parti robespierriste fut importante, compte tenu des conditions (soudaineté de l’événement et se déroulant en pleine nuit). Il s’appuie particulièrement sur des témoignages provenant de la rive gauche de la capitale (Section de l’Unité, des Sans-Culottes)(44)cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 706-708 (+ note 79), d’après Jean-Jérôme GUYOT, Tableau de ma conduite (A. N., F7 4432 pl. 2), rapport de Le Comte, commandant en second de la section de l’Unité (A. N., AFII 47 pl. 364 16).

Neuf sections parisiennes auraient participé à l’assaut de la Commune.

  • La colonne dirigée par Barras et Delmas en aurait compté six : sections du Mont-Blanc, de Guillaume Tell, de Lepeletier, des Marchés et des Arcis, rejointes par des contingents des Invalides.
  • La colonne dirigée par Léonard Bourdon en aurait compté trois : sections des Lombards, de la Réunion et des Gravilliers. Arrivée place de Grève, des canonniers de la section des Tuileries stationnés de part et d’autre du perron central se rallient à elle(45)cf. C. JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 707 (note 77) ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 303-305 d’après les rapports du capitaine des canonniers des Lombards, du commandant en second de la Réunion et du commandant des Gravilliers (AFII 47 364 47, 367 18, 366 27), des commandant des sections Guillaume-Tell, des Invalides, des Marchés, du Mont-Blanc et du comité civil de Lepeletier (AFII 47 364 21, 366 39, 366 47, 367 22, 366 25).

A partir de 3 h. du matin, de nombreux membres du Conseil général sont arrêtés à leur domicile par les comités révolutionnaires de leur section, en vertu du décret de la Convention les ayant mis hors-la-loi. Interrogés, ceux qui reconnaissent avoir assisté à la séance insurrectionnelle témoignent de leur incompréhension de la situation ou de leur désapprobation face aux motions liberticides qu’ils ont entendu. Beaucoup sont ensuite amenés au Comité de sûreté générale et, garrotés deux par deux, entassés dans le vestibule de l’Hôtel de Brionne, tandis que les commissaires des comités révolutionnaires déposent au secrétariat les procès-verbaux d’arrestation et d’interrogatoires, contre reçu délivré par les huissiers du Comité(46)cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 326, d’après le mémoire de l’ex-administrateur de police Guyot (F7 4432).

Réferences

Réferences
1 cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, Société d’histoire de la Révolution Française, 1898, pp. 7-9
2 cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, 1898, p. 10
3, 4, 8 cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte
5 cf. Ernest MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, Paris, 1898, p. 12
6 cf. E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 10
7 cf. E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 107
9 cf. Arnaud-Louis-Raoul de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, Plon, 1879, p. 131
10 cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 2000, carte hors-texte ; E. MELLIÉ, Les sections de Paris pendant la Révolution Française, p. 159
11 cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, p. 112, carte hors-texte
12 cf. Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 352 (+ note 1)
13 cf. Raymonde MONNIER, De l’an III en l’an IX, les derniers Sans-culottes, AHRF 1984, pp. 387-388, d’après Albert SOBOUL & Raymonde MONNIER, Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1985
14 cf. Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, Paris, Plon, 1946, p. 319 (note 1)
15 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 214, 266, 268 ; A.-L.-R. de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, pp. 158-160, 171-172, d’après A. N., F7 4432
16 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 266-267, d’après le rapport de Gigre, capitaine des canonniers (AFII 47 pl. 364 47)
17 cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, pp. 702-703 (note 57), d’après A. N., AFII 47 367 42 (rapport de Lasne, commandant en chef de la section des Droits de l’Homme), F7 4774 11 (rapport de Lefebvre, section de l’Observatoire), F7 4585 (dossier Ballin)
18 Sainte-Claire Deville cite notamment le Messager du Soir, postdaté du 10 thermidor. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 267 (+ note 4)
19 cf. A. MATHIEZ, Robespierre à la Commune le 9 Thermidor, in « Autour de Robespierre », Payot, 1957, pp. 222-223 (note)
20 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 225 (+ note 4)-227
21 Total réalisé par Sainte-Claire Deville, duquel il exclut étrangement deux signatures de membres du comité civil de la section de Popincourt et une de celui des Droits-de-l’Homme. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 227 (note 2)
22 Soboul reprocha à Sainte-Claire Deville une trop grande crédulité dans son interprétation de ces témoignages. Cf. A. SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire. 2 juin 1793 – 9 thermidor an II, Paris, 1958, p. 1013 ; C. JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 702 (+ note 54), d’après A. N., AFII 47, F7 4774 87 (dossier Rausse), F7 4754 (dossier Guilbert), W 80 (jugements du Tribunal révolutionnaire)
23 Elle dressa également une liste nominative du personnel de section ayant prêté serment. Cf. « Liste de présence des diverses autorités constituées qui ont prêté serment », in P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution, t. XXXIV, pp. 44-45
24 cf. « Séance extraordinaire du 9 thermidor — Procès-verbal de la séance », in P.-J.-B. BUCHEZ & P.-C. ROUX, Histoire parlementaire de la Révolution, t. XXXIV, pp. 49-50
25 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 269 (+ note 3)
26, 33 cf. E. DUCOUDRAY, R. MONNIER, D. ROCHE (dir.), Atlas de la Révolution française vol. 11, EHESS, 1989, p. 66
27 Dans son étude sur l’événement, l’ex-préfet Martel juge que la lecture de la Proclamation a été avancée dans le procès-verbal. La voyant comme consécutive à la prise d’armes d’Hanriot, elle ne put survenir que nettement après son décret d’arrestation, et non pas à sa suite immédiate. Cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, pp. 327, 334; A.-L.-R. de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, p. 169 (note 1); P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 199, 276-277
28 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 254 (note 3, d’après A. N., AFII 47 et F7 4432, F7 4433)
29 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 254 (note 3), 269, d’après A. N., AFII 47 et F7 4432, F7 4433
30 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, p. 248, d’après de récit de Longueville-Clémentière (A. N., W 79)
31 Sainte-Claire Deville a manifestement confondu la section de Bonne Nouvelle avec celle du Bon-Conseil. Cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 268-269 (note 1), d’après les rapports des comités révolutionnaires et civils des sections des Gardes-Françaises, des Marchés, de Bonne-Nouvelle et des Lombards (A. N., AFII 47 367 14, 366 50, 364 42 et 364 45)
32 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 269 (+ note 2), d’après A. N., AFII 47
34 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 225 (+ note 4), 273-274 (+ note 1)
35 cf. G. RUDÉ, La foule pendant la Révolution française, Paris, Maspero, 1982 p. 161
36, 38 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 278 (note 3)
37 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 274 (+ note 2)
39 cf. G. RUDÉ, La foule pendant la Révolution française, p. 161
40 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 272-273 ( note 1)
41 cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, Paris, Plon, 1861, p. 327 ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 276-277
42 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 275
43 cf. A. MATHIEZ, Robespierre à la Commune le 9 Thermidor, in « Autour de Robespierre », Payot, 1957, p. 219 (note 2)
44 cf. Colin JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 706-708 (+ note 79), d’après Jean-Jérôme GUYOT, Tableau de ma conduite (A. N., F7 4432 pl. 2), rapport de Le Comte, commandant en second de la section de l’Unité (A. N., AFII 47 pl. 364 16)
45 cf. C. JONES, The overthrow of Robespierre and the « indifference » of the people in American Historical Review, jun. 2014, p. 707 (note 77) ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, pp. 303-305 d’après les rapports du capitaine des canonniers des Lombards, du commandant en second de la Réunion et du commandant des Gravilliers (AFII 47 364 47, 367 18, 366 27), des commandant des sections Guillaume-Tell, des Invalides, des Marchés, du Mont-Blanc et du comité civil de Lepeletier (AFII 47 364 21, 366 39, 366 47, 367 22, 366 25)
46 cf. P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II, p. 326, d’après le mémoire de l’ex-administrateur de police Guyot (F7 4432)
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