THURIOT

Jacques Alexis Thuriot de la Rozière, dit

Age : Né à Sézanne (Marne), 41 ans en thermidor.

Métier : Avocat

Fonction(s) : Elu le 3 septembre 1792 député de la Marne à la Convention nationale ; membre du Comité de salut public du 10 juillet au 20 septembre 1793

Sommaire

Parcours et débuts politiques de Thuriot

Fils d’un maître-charpentier, Thuriot devient avocat à Reims. Envoyé comme médiateur par le Comité permanent de l’Hôtel-de-Ville auprès du gouverneur De Launay, il est un protagoniste de la prise de la Bastille en 1789. Il fut à l’origine de mesures prises à l’encontre des émigrés en mars 1792 en tant que député de la Marne à l’Assemblée Législative. Le 10 août il appuya à l’Assemblée l’idée de Danton d’établir des visites domiciliaires(1)cf. A ROBERT, E. BOURLOTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. V, p. 419 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156.

Thuriot à la Convention jusqu’en Thermidor

Thuriot, montagnard modéré

Réélu par son département à la Convention, il défendit Merlin de Thionville et Rewbell après la prise de Mayence(2)cf. A ROBERT, E. BOURLOTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. V, p. 419.

Adversaire prononcé des Girondins, il soutient la création du Comité de salut public en avril 1793 aux côtés de Danton et Lecointre(3)cf. Raphaël MATTA-DUVIGNEAU, Gouverner, administrer révolutionnairement : le comité de salut public, L’Harmattan, 2013, p. 57.

Brève participation au Comité de Salut Public — avant une nette prise de distance

Thuriot intègre le Comité de salut public le 10 juin 1793, alors que Danton le quittait. Il y maintient brièvement son influence avec Hérault-Séchelles, puis se sentant isolé après le refus de Danton d’y siéger à nouveau, il en démissionne en septembre 1793(4)cf. B. GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156.

Le 20 brumaire an II (10 novembre 1793), il appuie Chabot qui obtient qu’aucun député ne soit arrêté sans l’accord de la Convention. La victoire est de courte durée : deux jours plus tard le décret est cassé. Thuriot est exclu des Jacobins le lendemain sous la pression des hébertistes et Chabot est arrêté le 27 brumaire suite au scandale de la liquidation de la Compagnie des Indes(5)cf. Michel BIARD, La liberté ou la mort. Mourir en député, 1792-1795 pp. 77-78, Taillandier, 2015 ; A. SOBOUL (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, p. 1037.

Il est proche du négociant en draps et chef de la 29e division de gendarmerie Hesmart, nommé général provisoire des forces armées le 9 thermidor(6)cf. Arthur BIREMBAUT, Hesmart et son rôle au 9 thermidor, p. 309 ; Un chapitre inédit du 9 Thermidor, AHRF 1959, p. 32.

Le 8 germinal an II, un juré du Tribunal Révolutionnaire, François Thoumin, l’entendit tenir à la Convention des propos hostiles à Robespierre en compagnie du député Lacroix, qui sera guillotiné avec les dantonistes une semaine plus tard. Le lendemain, Thoumin rapporta l’épisode auprès de son collègue Duplay et le 18 du même mois au juge du Tribunal Révolutionnaire Scellier(7)cf. R. COBB, Glanes, AHRF 1950, pp. 64-65.

Thuriot pendant le 9-Thermidor

Durant la première séance de la Convention

Elu vice-président(8) Se renseigner sur le règlement qui encadre l’élection des vices-présidents, cf. chapitres VI et VII du règlement de la Convention ;  Louis MORTIMER-TERNAUX, Histoire de la Terreur, 1792-1794 vol. 4, p. 475 de la Convention le 1er thermidor (19 juillet), il est celui qui remplace le plus souvent Collot d’Herbois à la présidence de l’assemblée.

Il couvre les tentatives de Robespierre de prendre la parole au cours de la séance du 9 thermidor(9)cf. Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156.

Dans ses Mémoires, Barras lui attribue la réplique lancée à Robespierre: « le sang de Danton (…) t’étouffe ! »(10)cf. European Studies Review, 1975, M. LYONS, The 9 Thermidor : Motives and Effects, p. 130, d’après Mémoires de Barras, Hachette, 1895, t. I, p. 186. Toutefois, cette apostrophe qui n’apparaît ni dans le procès verbal ni dans les journaux de l’époque ayant rapporté tout ou partie des débats, fut antérieurement attribuée à Garnier de l’Aube ainsi qu’à Legendre(11)cf. G. V. VASSELIN, Mémorial révolutionnaire de la Convention, Paris, an V [1797], t. III, pp. 382-383, sous une forme légèrement différente : « Tais-toi, ta bouche est pleine du sang de Danton ».

Présidant l’assemblée alors que les députés robespierristes décrétés d’arrestation sont sommés de descendre à la barre, Thuriot s’entretient avec Mulot d’Auger, chef de la 5e légion alerté dans sa section par le son de la batterie de la générale. Il lui recommande de veiller à la sûreté des bâtiments publics sous son autorité et de ne pas obéir aux ordres d’Hanriot. A Mathis, chef de la 3e légion parvenu à lui après la clôture de la séance pour l’avertir des mêmes faits et lui remettre la convocation de la Commune, il répond : « C’est justement ce que la Convention veut empêcher ». Il transmet aussitôt l’ordre d’Hanriot aux comités de Salut public et de Sûreté générale(12)Avant Sainte-Claire Deville, Martel avait situé ce dernier épisode après la clôture de la séance. Cf. Arnaud-Louis-Raoul de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, Plon, 1879, pp. 161-162, 197; Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, Paris, Plon, 1946, pp. 204-205, d’après A. N., AFII  47 pl. 367 41 (Rapport de Mulot), AFII 47 pl. 364 14 (rapport de Mathis).

Séance extraordinaire des 9 et 10 thermidor

Présidant la seconde séance de la journée à son ouverture, alors que Bourdon de l’Oise et Merlin de Thionville viennent d’alerter la Convention sur le début d’insurrection, Thuriot révèle à ses collègues qu’Hanriot a ordonné à chaque commandant de section d’envoyer 400 hommes à la Commune(14)cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, pp. 588, d’après le Courrier universel, n°940.

Quand l’irruption de Coffinhal au Comité de sûreté générale et la libération d’Hanriot sont connues, Thuriot l’interprète comme la confirmation du complot dont on accusait Robespierre : « Ce matin, avant neuf heures (…), les ordres étaient donnés, la force armée était provoquée contre la Convention ». Il réclame dès lors les mesures les plus radicales pour en venir à bout(15)cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, p. 590.

Vers 23h30 à l’assemblée générale de la section de Brutus, une femme vient dénoncer la mise à prix de la tête d’Hanriot par Thuriot, en pleine séance de la Convention. Accueillie par des huées, elle est chassée de l’assemblée(16)cf. Procès verbal de l’assemblée générale de la section de Brutus des 8, 9 et 10 thermidor (A. N., AFII 47 pl. 364 3).

Au moment où la défaite de la Commune est assurée, il manifeste à plusieurs reprises de l’empressement à ce que Robespierre soit exécuté le plus promptement possible :

  • Pendant la nuit du 9 au 10, quand son collègue Charlier propose de le faire comparaître : « Le cadavre d’un tyran ne peut porter que la peste ; la place qui est marquée pour lui et ses complices est la place de la Révolution : il faut que les deux Comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai… » (Elie Lacoste n’officialisera que le lendemain le retour de la guillotine à son lieu le plus emblématique)(17)cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, p. 593 ; Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 342 ; Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 108 ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 315-316.
  • Durant la séance matinale du 10 thermidor, où il évoque la rumeur de Robespierre roi : « Nous sommes tellement instruits de la scélératesse de nos ennemis, que nous savons que Robespierre était en mesure pour se faire proclamer roi à Lyon et dans d’autres communes de la République. »(18)cf. Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, p. 107 ; B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 24-25, Gallimard, 1989

Thuriot durant l’époque thermidorienne

Les 12 et 13 fructidor an II, il combat l’offensive d’un autre dantoniste, Lecointre, contre sept anciens membres des Comités de salut public et de sûreté générale, demandant le passage à l’ordre du jour à la première séance, puis le lendemain en attaquant violemment l’intégrité de Lecointre(19)cf. Laurent LECOINTRE, « Les crimes des sept membres des anciens Comités de salut public et de sûreté générale (…) », an III, p. 36. En prairial an III, il se solidarise avec les derniers Montagnards ce qui entraine sa mise en accusation, auquel il se soustrait en se cachant.

Sieyès, dont il est resté proche, l’aide à retrouver une place dans la magistrature sous l’Empire. Remplacé sous la première Restauration, il y reprend sa place sous les Cent jours, ce qui lui vaut l’exil en 1816. Il meurt avocat à Liège, treize ans plus tard(20)cf. Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156.

Réferences

Réferences
1 cf. A ROBERT, E. BOURLOTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. V, p. 419 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156
2 cf. A ROBERT, E. BOURLOTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. V, p. 419
3 cf. Raphaël MATTA-DUVIGNEAU, Gouverner, administrer révolutionnairement : le comité de salut public, L’Harmattan, 2013, p. 57
4 cf. B. GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156
5 cf. Michel BIARD, La liberté ou la mort. Mourir en député, 1792-1795 pp. 77-78, Taillandier, 2015 ; A. SOBOUL (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, p. 1037
6 cf. Arthur BIREMBAUT, Hesmart et son rôle au 9 thermidor, p. 309 ; Un chapitre inédit du 9 Thermidor, AHRF 1959, p. 32
7 cf. R. COBB, Glanes, AHRF 1950, pp. 64-65
8 Se renseigner sur le règlement qui encadre l’élection des vices-présidents, cf. chapitres VI et VII du règlement de la Convention ;  Louis MORTIMER-TERNAUX, Histoire de la Terreur, 1792-1794 vol. 4, p. 475
9, 20 cf. Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 156
10 cf. European Studies Review, 1975, M. LYONS, The 9 Thermidor : Motives and Effects, p. 130, d’après Mémoires de Barras, Hachette, 1895, t. I, p. 186
11 cf. G. V. VASSELIN, Mémorial révolutionnaire de la Convention, Paris, an V [1797], t. III, pp. 382-383, sous une forme légèrement différente : « Tais-toi, ta bouche est pleine du sang de Danton »
12 Avant Sainte-Claire Deville, Martel avait situé ce dernier épisode après la clôture de la séance. Cf. Arnaud-Louis-Raoul de MARTEL, Types révolutionnaires. Etudes sur Fouché t. 2, Plon, 1879, pp. 161-162, 197; Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, Paris, Plon, 1946, pp. 204-205, d’après A. N., AFII  47 pl. 367 41 (Rapport de Mulot), AFII 47 pl. 364 14 (rapport de Mathis)
13 cf. Edme-Bonaventure COURTOIS, Rapport (…) sur les événements du 9 thermidor…, Paris, de l’Imprimerie nationale, floréal an IV, Pièces justificatives, n°XXXV, p. 199
14 cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, pp. 588, d’après le Courrier universel, n°940
15 cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, p. 590
16 cf. Procès verbal de l’assemblée générale de la section de Brutus des 8, 9 et 10 thermidor (A. N., AFII 47 pl. 364 3)
17 cf. Archives Parlementaires, t. XCIII, p. 593 ; Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 342 ; Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 108 ; P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l’an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire, pp. 315-316
18 cf. Françoise BRUNEL, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, p. 107 ; B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur pp. 24-25, Gallimard, 1989
19 cf. Laurent LECOINTRE, « Les crimes des sept membres des anciens Comités de salut public et de sûreté générale (…) », an III, p. 36
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