MERLIN De DOUAI

Philippe-Antoine Merlin, dit

Merlin de Douai, Buste du Musée du Jeu de Paume, D. R.

Age : Né à Arleux (Nord), 39 ans en thermidor.

Adresse : 17 rue des Marais

Surnom : Appelé Merlin de Douai pour le distinguer de son collègue conventionnel Antoine Merlin (de Thionville)

Métier : Avocat, magistrat

Fonction(s) : Elu député du Nord le 18 septembre 1792, membre du Comité de Législation en janvier 1793 puis du Comité de Salut Public le 15 fructidor an II (1er septembre 1794)

Sommaire

Parcours et débuts politiques de Merlin de Douai

Fils d’un propriétaire foncier aisé, Merlin de Douai devint avocat au Parlement de Flandre en 1775, où il acquit rapidement une grande notoriété de jurisconsulte (il aura notamment Beaumarchais pour client). Elu député du Tiers-Etat en 1789, il prit une part active dans l’abolition du régime féodal mais aussi dans la réglementation de la vente de biens nationaux aux particuliers ou la refonte des droits de succession. Politiquement il devint conservateur après la fuite de Varennes de Louis XVI, et s’opposa en vain à Robespierre sur l’inéligibilité des constituants pour la prochaine Assemblée Législative.

Après la fin de la Constituante, il intégra le conseil particulier du duc d’Orléans. Il exerçait les fonctions de président du tribunal criminel du Nord quand ce département l’envoya siéger à la Convention(1)cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, pp. 347-348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 137.

Merlin de Douai à la Convention

Rallié avec prudence à la République, Merlin de Douai siégea à la Plaine, mais dut rapidement se disculper de proximité avec la Cour. En réponse aux lettres de l’Armoire de fer ayant révélé qu’il avait été approché par le roi pour interférer sur la question des chasses royales, il parvint à démontrer qu’il n’avait pas abondé dans le sens souhaité par Louis XVI, et vota sa mort avec la majorité des députés.
Il entra au Comité de Législation en janvier 1793, et s’y focalisa sur le droit pénal(2)cf. Annie JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 2012 pp. 2-3 .

Implication dans la législation terroriste

Dès la mi-août 1793, avant les journées parisiennes des 4 et 5 septembre, la Convention avait chargé le Comité de Législation de fixer les modalités d’arrestation des citoyens suspects. Le projet, dont Merlin de Douai était le rédacteur fut discuté à la Convention dès le dernier jour du mois, mais ne fut définitivement adopté que le 17 septembre connu sous le nom de « loi des suspects« (3)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 pp. 5-6 ; A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t.IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138.

Partisan d’une application toujours plus intransigeante des lois révolutionnaires(4)Le 3 octobre 1793, il fit un rapport sur l’ajout d’un cinquième juge en cas de désaccord des juges durant un procès en remplacement d’une loi antérieure qui faisait prévaloir l’avis le plus doux en cas de désaccord. Cf. Réimpression de l’ancien Moniteur t. XVIII, Paris, Plon, 1860, p. 35 , il se prononça régulièrement pour l’extension de leur domaine d’action. Le 30 frimaire an II, à l’exemple des tribunaux militaires, qui avaient alignés leur procédure criminelle avait été alignée sur celle du Tribunal révolutionnaire, Merlin obtint qu’il en soit fait de même pour les départements de provinces(5)cf. Réimpression de l’ancien Moniteur t. XIX, Paris, Plon, p. 14. Le 13 ventôse an II, il proposa au Comité de Législation de faire comparaître les personnes accusées de vol au Tribunal révolutionnaire, dans un souci de plus grande efficacité(6)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 pp. 6-7, d’après A.N., D III* 56.

Enfin, Merlin s’inscrivit dans le mouvement centralisateur de la Terreur du printemps de l’an II qui trouverait son aboutissement dans les lois du 22 prairial. En floréal, il fit adopter au nom du Comité de Législation la suppression théorique (le Comité de Salut Public pouvait désigner des exceptions) des tribunaux et commissions établis dans les départements, au bénéfice du seul Tribunal révolutionnaire parisien(7)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 p. 7, d’après A.N., D III-381 et D III * 56.

Merlin de Douai après la chute de Robespierre

Partisan d’un maintien de la législation terroriste

S’il n’intervint jamais au moment du 9 Thermidor, Merlin de Douai sortit de sa réserve le 14 thermidor pour déconseiller formellement la suppression de la loi du 22 prairial(8)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 p. 6, d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 369, il obtint le maintien du Tribunal révolutionnaire. Par la réforme qu’il fit adopter le 23 thermidor, il le rétablissait presque entièrement dans ses prérogatives antérieures au 22 prairial(9)cf. Annie JOURDAN, Les discours de la Terreur à l’époque révolutionnaire in French Historical Studies, 2013, pp. 68-69 (+ note 91), d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, pp. 447-448. Seul ajout original, l’apparition de la « question intentionnelle » provenant d’une motion de Bourdon de l’Oise(10)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 p. 8, d’après le Bulletin des lois, n° 201 et 202.

Défenseur obstiné du maintien des lois révolutionnaires, Merlin s’opposa le 25 fructidor an II aux projets de libération en masse dans les prisons(11)cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, p. 741, puis en en frimaire an III (décembre 1794) à la réintégration des Girondins mis hors-la-loi(12)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), p. 7, d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXII, Paris, Plon, 1862, p. 770.
Son implication, pas plus que celle du Comité de Législation, ne fut jamais mise en cause durant les règlements de comptes de la période thermidorienne, hormis par Robert Lindet, demeuré solidaire de ses anciens collègues du Comité de Salut Public(13)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), pp. 7-9, d’après Robert Lindet au peuple français, Paris, 1794, p. 7-8 ; Second mémoire de Robert Lindet, s.l.n.d..

… mais du démantèlement du pouvoir Jacobin

Merlin de Douai intégra ce même Comité de Salut Public le 1er septembre 1794 et y siégea fréquemment jusqu’à la fin de la législature (presque autant que le nouveau règlement le permettait), en alternant la présidence avec Cambacérès, lui aussi personnalité éminente du Comité de Législation(14)cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138.
Il fut à l’origine de la dissolution de l’administration de la Commune parisienne, de la fermeture des Jacobins le 20 brumaire an III et de la réintégration des 73 députés ayant protesté contre les journées des 31 mai/2 juin 1793(15)cf. A ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138.

En février 1795, Merlin appuya la réouverture des accusations prématurément lancées par Lecointre à l’encontre des anciens membres des comités de Salut public et de Sûreté générale(16)cf. Th. LUILLIER Laurent Lecointre, député à la Convention in La Révolution française, revue d’histoire moderne & contemporaine, 1895, t. XXVIII, p. 246. Pendant l’insurrection royaliste de vendémiaire an IV, il investit Barras et Bonaparte de pouvoirs militaires. En politique extérieure, Merlin de Douai supervisa la réunion de la Belgique à la France(17)cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348.

Il ne cessa pas pour autant son activité initiée au Comité de Législation. Il y retourna en nivôse an III, faisant adopter le 8 la véritable loi de réforme du Tribunal révolutionnaire qui précise le périmètre des délits contre-révolutionnaires, rétablit la défense, la graduation des peines et le renouvellement des juges et du jury, désormais enjoint à condamner sur des preuves concrètes et non plus sur leur simple « conviction morale« . Dix jours plus tard, il fournit une nouvelle loi contre les émigrés(18)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), pp. 7-8, 24 (+ notes 53, 56).

Le 3 brumaire an IV, la Convention adopte le Code des délits et des peines, sur un projet dirigé par Merlin de Douai. Il s’agit du seul des 28 codes censés rassembler l’ensemble des lois, civiles, pénales et criminelles, dont la préparation constituait l’une des missions essentielles du Comité de Législation qui fut effectivement mené à terme(19)cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), 2012, pp. 9, 11.

Carrière directoriale et impériale

Elu au Conseil des Anciens, Merlin opta pour le Ministère de la Justice. Il devint directeur suite au coup d’Etat de fructidor an V, mais quitta ses fonctions en même temps que Treilhard et La Réveillère-Lépeaux durant l’an VII. Il rentra en grâce auprès de Bonaparte, qui le fit chevalier d’empire et membre à vie du Conseil d’Etat. Il se réfugia aux Pays-Bas durant la Restauration, mais revint à Paris après 1830, où il réintégra l’Institut jusqu’à son décès en 1838(20)cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, pp. 348-349.

Réferences

Réferences
1 cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, pp. 347-348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 137
2 cf. Annie JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 2012 pp. 2-3
3 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 pp. 5-6 ; A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t.IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138
4 Le 3 octobre 1793, il fit un rapport sur l’ajout d’un cinquième juge en cas de désaccord des juges durant un procès en remplacement d’une loi antérieure qui faisait prévaloir l’avis le plus doux en cas de désaccord. Cf. Réimpression de l’ancien Moniteur t. XVIII, Paris, Plon, 1860, p. 35
5 cf. Réimpression de l’ancien Moniteur t. XIX, Paris, Plon, p. 14
6 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 pp. 6-7, d’après A.N., D III* 56
7 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 p. 7, d’après A.N., D III-381 et D III * 56
8 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 2012 p. 6, d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, Paris, Plon, 1861, p. 369
9 cf. Annie JOURDAN, Les discours de la Terreur à l’époque révolutionnaire in French Historical Studies, 2013, pp. 68-69 (+ note 91), d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, pp. 447-448
10 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois — Le Comité de législation et la commission de classification des lois in La Révolution française — Cahiers de l’IhRf, 3|2012 p. 8, d’après le Bulletin des lois, n° 201 et 202
11 cf. Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXI, p. 741
12 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), p. 7, d’après Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXII, Paris, Plon, 1862, p. 770
13 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), pp. 7-9, d’après Robert Lindet au peuple français, Paris, 1794, p. 7-8 ; Second mémoire de Robert Lindet, s.l.n.d.
14 cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138
15 cf. A ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348 ; Bernard GAINOT, Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Taillandier, 1990, p. 138
16 cf. Th. LUILLIER Laurent Lecointre, député à la Convention in La Révolution française, revue d’histoire moderne & contemporaine, 1895, t. XXVIII, p. 246
17 cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, p. 348
18 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), pp. 7-8, 24 (+ notes 53, 56)
19 cf. A. JOURDAN, La Convention ou l’empire des lois (…), 2012, pp. 9, 11
20 cf. A. ROBERT, E. BOURLOTTON & G. COUGNY, Dictionnaire des parlementaires français (…) de 1789 à 1889 t. IV, pp. 348-349
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